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Le salon Fine Arts 2019, vers un retour en grâce des beaux-arts ?


Jeudi 14 novembre, le Cejart s’est rendu à la nocturne du salon Fine Arts Paris 2019, à la découverte d’une jeune mais déjà très crédible manifestation, à en croire la plupart des chroniques qui la présentaient avant sa tenue. Il en ressortait l’image d’un salon sérieux sans austérité, discret mais ambitieux, promis à monter en force dans le vivant paysage des foires parisiennes. Avec seulement 46 exposants, soigneusement sélectionnés, son positionnement se veut depuis le départ exigeant mais ouvert, puisque cette année le nombre de participants est en légère augmentation (notamment les internationaux, bien que les Français restent largement majoritaires) et surtout que de nouvelles spécialités sont introduites : l’archéologie et la tapisserie.


Nous étions donc particulièrement curieux de nous rendre à ce salon, qui continue de miser sur le prestige traditionnel des beaux-arts de toutes époques, tout en cherchant à renouveler l’attraction du public et surtout des acheteurs, sur un secteur de marché que l’on sait morose depuis quelques années. Cette édition est-elle, de ce point de vue, un succès ? Si les chiffres ne parleront qu'à moyen terme, nous avons en revanche été conquis dans l'immédiat par celle-ci.


Nous avons dès l’entrée été très agréablement surpris par l’ambiance feutrée et intimiste du lieu, à rebours des manifestations contemporaines grand public du mois dernier (et quoi que la FIAC elle-même reste relativement sobre sous la vénérable verrière du Grand Palais). La faible affluence, les lumières tamisées invitent à l’exploration studieuse des stands aux couleurs profondes et chaleureuses, certains d’entre eux ayant fait le choix de trancher en optant pour une ambiance beige, des teintes crayeuses, sans jamais aller jusqu’au white cube.


La galerie Sarti, prestigieuse nouvelle arrivée, ouvre immédiatement le bal des exposants avec des œuvres dévotes et profanes de la Renaissance et du baroque italiens. Ces courants sont, sans surprise, sûrement les plus canoniques et représentés dans la manifestation, qui ne s’y limite pas, loin s’en faut. La preuve immédiatement après, avec les trésors archéologiques et curiosités antiques dévoilées par la galerie Cahn.


Vue de la galerie G. Sarti, référence internationale de l'art italien. A droite : présenté par la galerie Cahn, un splendide et surprenant Modèle de chariot tiré par des chevaux, IIIe - début du IIe millénaire avant J.-C., Proche-Orient ou Levant


Bien sûr, une manifestation dédiée aux beaux-arts ne peut faire non plus l’impasse sur le prolifique XIXe siècle, qui nous a légué en peinture et sculpture autant de talents inédits que pompiers, et combien d’oubliés, d’illustres inconnus, et de petits talents concurrents ? La galerie Mendes nous rappelle de cette époque le foisonnement et le charme, quand sont portées à leur paroxysme toutes les audaces et les conventions à la fois. D’aucuns ont tenté de créer une alchimie de ces contraires, et nous ont transmis le résultat de leurs expériences dans de savoureuses réalisations, tel cet étonnant portrait exposé par Arnaud Charvet, caricature qui emprunte les codes de la peinture, du médaillon et du vitrail.


Ci-dessus, présenté par la galerie Mendes : Ary Scheffer, Etude du buste d'un personnage mythologique, vers 1840, huile sur toile.
A droite, vue du stand de la galerie Mendes avec notamment une Vierge à l'Enfant de Nicolas Barabino en terre cuite, XIXe siècle.
En haut à droite, galerie Arnaud Charvet : Albert Guillaume, Portrait charge du peintre François Forichon, 1890 (?), huile sur toile, 73 x 50 cm.


L’art moderne, au carrefour des deux siècles trouve un relatif équilibre et produit alors des œuvres tantôt austères, tantôt énergiques, mais dotées quoi qu'il en soit d’un charme indéfinissable, évocateur d’une époque qui nous reste sensible et intelligible.

C'est l’âge d’un nouvel humanisme européen, en pleine émancipation des académismes et brutalement choqué par la Première guerre mondiale, un esprit du temps bien représenté par les grands sculpteurs dont les oeuvres peuplent nos musées, ainsi que nombre d'artistes comme Georges Dorignac, ici mis à l'honneur par les galeries Malaquais et Fabienne Fiacre. Avec eux se dévoile la grâce féminine universelle dans toute figure qu’elle soit jeune ou mature, celle d’une lingère, d'une paysanne ou d’une mère attendrie.



Vue du stand de la galerie Malaquais, avec au mur des sanguines signées Dorignac et, au-dessous, des bronzes d'Arlette Ginioux, Jean Carton et Charles Auffret. Dorignac, cette fois à la galerie Fabienne Fiacre, exécute avec un amour filial évident un portrait de sa fille à la mélancolie saisissante : Portrait de Georgette, 1913, pastel gras et fusain sur papier, 52x58 cm.


Georges Dorignac justement était en pleine redécouverte grâce au musée de Montmartre jusqu’au début du mois de septembre. Quelques participants ont pris ce judicieux parti de se saisir encore plus directement de l’actualité artistique, pour prouver que le salon Fine Arts est pleinement légitime et acteur de la contemporanéité. La Galerie de la Présidence met en valeur Marcel Gromaire, dont elle est spécialiste ; elle en prête en ce moment des œuvres à l’occasion d’une rétrospective itinérante à travers trois musées, dont l’un d’eux n’est autre que La Piscine de Roubaix, partenaire privilégié d'une édition 2019 qui affirme ainsi son positionnement professionnel. Hans Hartung, qui triomphe déjà pour la réouverture du Musée d’art moderne de la ville de Paris, est l’autre grand bénéficiaire de cette actualité dont joue habilement la galerie.



A la galerie de la Présidence, Hans Hartung, Composition P20-1983-H11, 1983, pastel sur carton baryté, 73,5x51 cm.


Peu nombreux sont les galeristes ayant osé des incursions d'art contemporain, bien qu'elles soient souvent discrètes et, sinon plaisantes et justifiées, au moins inoffensives. Tant mieux puisque ce n'est pas le sujet du salon ; la FIAC et ses off, comme nous avons pu vous le détailler, y ont excellemment pourvu le mois dernier. En revanche, un subtil dialogue entre le passé et le présent, l’héritage et la nouveauté, tel est bien le message que porte le Fine Arts en s’ouvrant à des exposants tels que la galerie Chevalier, qui vient illustrer la richesse créative et le savoir-faire de la tapisserie avec les fascinants ouvrages d’un Mathieu Ducournau ou du plus connu mais non moins délicieux Victor Vasarely.

La galerie Rosenberg & Co proposait plusieurs oeuvres des XXe et XXIe siècles, offrant comme une pause thématique et picturale au milieu du salon. Ici, Paul Jenkins, Phenomena Right Beckons, 2008, aquarelle sur papier, 56x38 cm.
La galerie Chevalier, spécialiste de ce noble et ancien art qu'est la tapisserie, choisit de la présenter sous la forme d'un dialogue aux tons violacés entre le moderne Victor Vasarely (WA4*, vers 1965, laine et coton, 157x156 cm, tissée par les Ateliers Pinton) et le contemporain Mathieu Ducournau (Rembrandt #2, 2017, dripping de fils sur toile de coton, 100x100 cm).


Qu’ils soient évoqués par des références visuelles comme les tissages habilement brouillons de Ducournau, ou directement présents sur les murs des participants, les grandes gloires de la peinture restent pour ces derniers des valeurs sûres, mais n’apparaissent finalement que comme l’infime partie émergée d’un immense iceberg, formé par des siècles de création et une belle diversité d’arts. Des noms ou signatures prestigieuses ne sont pas toujours gages de succès et encore moins de visibilité : Charles Ratton & Guy Ladrière en ont fait l’épreuve en mettant en lumière des dessins de Jean-Honoré Fragonard, littéralement insoupçonnables...

Il faut faire un effort d'observation dommageable pour reconnaître les belles esquisses de Fragonard figurant Origille, Griffon, Astolphe et Aquilant, les héros du Roland Furieux de Ludovico Ariosto...


Cela nous amène à souligner l’importance de la scénographie pour la mise en valeur des pièces exposées, qui, si elle évidemment exigée pour toute foire, l’est particulièrement dans le cadre intimiste et expert du Fine Arts. Nous avons pu noter ce soin particulier apporté à la mise en scène par l’ensemble des galeries, avec encore une fois des réussites inégales, mais aucun raté notable. Quelques-unes ont rivalisé d’originalité et sont parvenues, en flirtant avec un kitsch enchanteur, à offrir une plaisante immersion aux visiteurs.


Remarquons et félicitons ci-dessus le très délicat dégradé chromatique et iconographique (des fleurs à la femme, en passant par la femme parée de fleurs). Plus impressionnante était l'installation de Steinitz, qui proposait un décor entier sur le thème du cabinet de collectionneur d'antiques italiens.


Au final ces quelques quarante-six stands parcourus sans voir le temps passer – sauf sur les murs des stands, bien sûr ! – offrent à tous les passionnés d’histoire des arts un condensé inédit et efficace. Ce Fine Arts 2019 est l’une des plus belles surprises artistiques de cette année, et bien que nous ne puissions comparer cette édition avec les précédentes faute de les avoir parcourues, sa qualité et son goût très sûr nous laissent optimistes sur son avenir et, déjà, désireux d’y être l’an prochain, aux Invalides cette fois !

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