Après la passation de l’association et les premiers billets publiés par notre nouvelle promotion, le mois d’octobre a été riche d’actualités et d’événements pour le Cejart ! Nous sommes heureux, les examens étant désormais derrière nous, de vous offrir un récapitulatif de ces sorties, en commençant par les foires, notamment la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) de Paris : l'incontournable de la saison, assurément ! Mais certains d'entre nous ont aussi arpenté avec enthousiasme ses multiples off dont certains sont de plus en plus reconnus et légitimes, comme Asia Now et Galeristes. Suivez les guides !
La FIAC
Vues du Grand Palais pendant la FIAC, prises par Alix Tranchard
La promotion a eu la chance de visiter la FIAC, qui s’est tenue du 17 au 20 octobre sous la splendide verrière du Grand Palais, à l’invitation de sa directrice, Jennifer Flay. Nous la remercions de nous avoir permis de profiter de cet événement international, réunissant près de 75 000 visiteurs cette année (+2,87 % après une baisse en 2018), dont c’était une première pour certains d’entre nous. Chacun, dans la promotion, a une connaissance et un goût différent de l’art contemporain, et la FIAC est l’occasion idéale d’enrichir, de confronter, de comparer ce rapport personnel, tout en rencontrant les grands acteurs du marché de l’art français, et surtout mondial. La représentation croissante des galeries et artistes étrangers par rapport aux français (qui représentaient 28 % des exposants contre 31 l’an dernier), a été célébré ici comme un signe de rayonnement retrouvé, et là critiqué comme une absence de considération pour la création nationale et un faible dynamisme des acteurs locaux.
Romuald Hazoumè, artiste béninois né en 1962 représenté par la galerie Magnin-A (Paris 11e). En haut : Blacky, 2019, plastique et plumes, 90 x 130 x 15 cm.
En bas : Roulette Béninoise, 2009, noir et blanc baryté contrecollé sur Dibond, 80 x 120 cm. Courtesy : Galerie Magnin-A, Paris.
Quoi qu'il en soit, l’effort de représentation de la création contemporaine dans toutes ses formes, matières et moyens d’expression est bien évidemment attendu de la FIAC, et il faut en souligner la réussite pour cette 46e édition. Elle a rassemblé 197 galeries, dont 25 pour la première fois, venues de 29 pays dont des nouveaux comme la Côte d’Ivoire ou l’Iran. Ainsi tous les continents étaient représentés pour offrir plus qu’un aperçu, un ambitieux panorama d’un art sensible aux techniques et aux problématiques actuelles, sans verser dans le tapage politique ou le choc esthétique. Nous sommes plusieurs en effet à avoir noté la « discrétion » des oeuvres, loin des clichés provocants entretenus sur l'art contemporain, dont on voit à la FIAC qu'il n'en est qu'un pan, loin d'être dominant.
La foire, réfléchie plutôt que sage, a ainsi eu à coeur de diffuser des messages venus d’horizons variés et portés par des artistes d’âges différents, qui ont tous pour point commun de s’inspirer du meilleur des générations antérieures. On peut le constater grâce à la place majeure accordée aux modernes, dont la présence a été appréciée de la plupart d'entre nous, d’autant plus qu’au-delà des noms très (voire trop) connus, on trouvait surtout des artistes dont on réévalue peu à peu, avec profit, le talent.
Vladimir Baranoff-Rossiné, Autoportrait, 1910, huile sur toile, 72 x 48 cm. Courtesy : Galerie Le Minotaure, Paris.
Manufacture nationale de Beauvais, tapisserie tissée en 1972 d'après une peinture Hans Hartung de 1967, 310 x 232 cm. Photo : Marina Bessières
Georges Mathieu, Sans titre 309, 1959, huile sur toile, 81 x 131 cm. Courtesy : Galerie Nahmad Contemporary, New York. Photo : Marina Bessières
Une place trop importante pour la FIAC, qui se révèlerait ainsi trop frileuse, dépendante des attentes du marché, pas assez novatrice et prescriptrice ? Certainement pas, s’il s’agit justement de montrer en quoi elle contribue à l’émergence de talents d’aujourd’hui et de demain, tels Christian Hidaka ou Kehinde Wiley, déjà remarqué lors de l'édition précédente (voir notre compte-rendu 2018). au reste, les multiples déclinaisons de la foire (secteurs Lafayette et Projects, installations hors-les-murs, Cinéphémère, etc.) ont permis aux amateurs de satisfaire leur insatiable curiosité dans toute la capitale.
Kehinde Wiley, Portrait of Charles Lott and Brandon Kirkman, 2019, huile sur toile, 274 x 213 cm. Courtesy : Galerie Daniel Templon, Paris. Photo : Alix Tranchard
Christian Hidaka, The Charlatan, 2019, tempera sur toile de lin, 140 x 97 cm. Courtesy : Galerie Michel Rein, Paris.
Le regain d’exposition de la place parisienne fait craindre aux acteurs locaux une concurrence malvenue pour un marché français peu dynamique : ainsi Georges-Philippe Valois, qui préside le Comité professionnel des galeries d’art, dit craindre dans L’Œil (n° 727, octobre 2019) un déplacement des acheteurs influents et des artistes français « bankables » vers ces mastodontes internationaux récemment installés (Gagosian, Zwirner, etc.). Les galeries moyennes ont fait part d'un bilan mitigé malgré de bons départs de vente, à rebours de ces méga-galeries qui annonçaient des chiffres plus qu'honorables. Reste qu’une foire de la taille et de la réputation revendiquée par la FIAC ne peut pas se passer de ces grands prescripteurs, et de fait leur participation a été remarquée.
Ainsi du stand de la galerie Gagosian, qui résume peut-être à lui seul la tonalité de cette FIAC. Dans un cadre onirique et très original, une réplique d'une villa de Saint-Jean-Cap-Ferrat décorée par Cocteau, Gagosian a misé sur des valeurs sûres, réunissant tous les grands noms du XXe siècle. Et pour preuve : nous y avons trouvé Cocteau donc, ainsi que Picasso, Man Ray, Matisse et Edward Quinn, sans oublier la belle place faite à Yves Klein, et aux mobiles et lithographies d’Alexandre Calder. Chez Kamel Mennour, fleuron des galeries françaises, deux noms établis de la création contemporaine étaient à l'honneur : nous nous sommes laissés surprendre par l'installation de Tatiana Trouvé, qui a été prise pour une chaise négligemment posée à côté d'une composition aux lignes épaisses et aux couleurs chatoyantes de Bertrand Lavier.
Vue du stand de la galerie Gagosian à la FIAC 2019
Bertrand Lavier, Walt Disney Production n° 21, 2014, acrylique sur jet d'encre sur toile, 54 x 90 cm ; Tatiana Trouvé, The Guardian, 2019, bronze patiné et mabre, 78 x 74 x 76 cm. Courtesy : Galerie Kamel Mennour, Paris et Londres. Photo : Marina Bessières
Enfin la FIAC ne se serait pas révélée aussi plaisante sans son lot de curiosités, inlassablement traquées par Alix, (fantastique) présidente du Cejart, et qui mériteraient à elles seules un billet. C'est alors une vie tantôt fantasque (avec les fleurs et citrouilles de Yayoi Kusama), tantôt dérangeante (à voir les structures dégoulinantes que sont la fontaine d'Elsa Sahal ou le porcelet de Gilles Barbier) mais toujours décalée, qui s'anime dans la clarté nocturne du vénérable Grand Palais. Une invitation à revenir, assurément.
Roxane et Augustin, tout à fait dans leur élément ! Photos : Alix Tranchard
Les off : Asia Now et Galeristes
Parmi les manifestations, toujours plus nombreuses, que le temps fort de la FIAC entraîne dans son sillage, il devient de plus en plus difficile de faire son choix, et franchement irréaliste de vouloir les arpenter toutes. En choisissant, pour la plupart, un thème ou secteur artistique spécifique, elles offrent autant de contrepoints à la FIAC, quoique d’intérêt inégal. Certaines en tout cas se démarquent depuis plusieurs années et deviennent des rendez-vous importants pour les collectionneurs ou les simples amateurs. Cette année, c’est sur Asia Now et Galeristes que la promotion a jeté son dévolu.
Asia Now
Dans le 8e arrondissement, réputé pour ses galeries de prestige, Asia Now tenait sa cinquième édition, au bilan plutôt élogieux confirmant son ascension : près de 20 000 visiteurs ont pu découvrir ou redécouvrir les œuvres de 250 artistes, présentés par 55 galeries du monde entier.
Dédiée au dialogue des arts contemporains entre Europe et Asie, elle s’attache tout particulièrement à révéler le dynamisme de ce dernier continent et ce qu’il apporte au marché de l’art mondial. Paris s’affirme désormais comme une place forte non seulement des arts asiatiques traditionnels, mais aussi contemporains.
La programmation de la foire, qui se voulait riche, résolument éclectique et tournée vers les arts numériques et les nouvelles technologies*, a néanmoins paru un peu confuse, et diversement convaincante. Une audace que nous avons remarquée et qui est pardonnable, car elle révèle néanmoins une ambition louable et une prometteuse marge de progression pour cette foire originale et dynamique s’il en est.
* Centrée autour de la « plateforme IRL {In Real Life} », programme curaté composé de quatre sections, chacune faisant référence à un mode d'interaction et d’expression plastique différent : Unboxing, Peer-to-Peer, Hyperlink et Chat Room. S’y ajoutaient nombre de « projets spéciaux » désignant des focus sur des artistes ou éditeurs particuliers, des conférences, et une petite programmation hors-les-murs notamment avec le musée Guimet.
Vues de Asia Now 2019, prises par Alix Tranchard.
Galeristes
Galeristes, dans l’autre grand quartier artistique de Paris qu’est le Marais, est un salon davantage qu’une foire, adressé autant aux professionnels du secteur qu’à quiconque s’intéresse aux pratiques du marché, de la collection et de l’exposition. Cette année 2019 marquait la quatrième édition de cette initiative de Stéphane Corréard, une figure reconnue du marché et de la critique d’art en France. La France justement était à l’honneur cette année au travers d’une « Anthologie de l’art français », peut-être pour prendre le contrepied de l’orientation prise par la FIAC ces dernières années, dont nous avons parlé ci-dessus.
Proposer un autre marché de l’art, à rebours des événements globalisés où seuls les plus grands sont admis, est la vocation de Galeristes. Le salon ne se veut pas pour autant une contre-FIAC, mais une proposition alternative, plus modeste et ouverte. Car il s’avère que beaucoup de visiteurs fréquentent les deux événements à la fois, dont ils apprécient les apports respectifs.
Celui de Galeristes repose sur la volonté de réfléchir aux pratiques du métier bien sûr, et du marché de l'art dans son ensemble. Notamment car les galeristes y ont un rôle véritablement central, au carrefour de l'exposition et du commerce d'oeuvres. A l'heure où l'art suscite un engouement croissant pour un public toujours plus nombreux, comme on le voit, il est plus que jamais essentiel de se renouveler pour maintenir ce lien de confiance avec les clients.
Les exposants galeristes rencontrés par la promotion confirment eux-mêmes qu’avoir programmé Galeristes en même temps que la FIAC cette année, au cœur de la saison de l’art contemporain, a été une bonne idée. Ils ont noté l’apport significatif d’une clientèle nouvelle lors d’un événement très fréquenté, ce qui témoigne qu'un positionnement professionnel assumé peut rencontrer l'intérêt et de la curiosité des amateurs, auprès desquels le défi est de faire oeuvre de pédagogie. Galeristes sera peut-être, si le succès de sa formule se confirme, la voie d'un renforcement fédérateur des acteurs du marché parisien, pour le plus grand profit des acheteurs et, ne l'oublions pas, des oeuvres d'art elles-mêmes.
Vues du stand de la galerie Bessières (Chatou), à Galeristes 2019, prises par Marina