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La création maghrébine sublimée


Fondée en 2001, la Galerie Mamia Bretesché (1) est une galerie spécialisée en art contemporain ME.NA.SA (Middle East North Africa South Asia). Elle défend plus particulièrement le travail de jeunes artistes de la scène artistique émergente. L’exposition Walls In & Out ! (2) donne à voir la réaction de huit artistes (3) aux origines maghrébines face aux conflits d’hier et d’aujourd’hui, du Maghreb ou d’ailleurs.

Galerie Mamia Bretesché / Crédits : Agathe Mathaut

Ce florilège de créations, savamment sélectionné et présenté par Mamia Bretesché, fondatrice de la galerie, réunit des œuvres graphiques ou tridimensionnelles aux médiums divers dans un cadre intimiste.

Chaque œuvre présentée renferme un message sous-jacent. Parfois latent, mais le plus souvent aisément appréhendable, le discours de chaque œuvre interpelle et questionne le spectateur. A l’inverse de la présentation monographique déjà explorée pour ces artistes par Mamia Brestesché, l’exposition choisit cette fois-ci de représenter le travail de chaque artiste à travers un éventail d’œuvres, quatre ou cinq généralement. Et si le sujet diffère d’un artiste à l’autre, la pluralité des messages confère toutefois à l’ensemble une cohérence et une homogénéité qui marquent encore plus profondément l’esprit du spectateur. Loin d’une cacophonie, les sujets se font écho et dénoncent la domination sous toutes ses formes et les stéréotypes qu’elle véhicule, mais toujours avec beaucoup de dérision.

Sadek Rahim @Galerie Mamia Bretesché / Crédits : Agathe Mathaut

Galeriste passionnée et dévouée, Mamia Bretesché contribue à la synergie entre les œuvres et à l’interaction entre le visiteur et l’artiste en partageant ses connaissances spontanément. Elle est la Galeriste avec une majuscule, celle qui ne se résume pas au caractère mercantile de sa profession et s’adresse à tout public, amateur ou averti, spectateur ou collectionneur. La tentative de lecture d’une œuvre, avec Mamia Bretesché pour guide, produit une réaction en chaîne, un cercle vertueux où chacun participe à l’appréhension de l’œuvre. Là où l’art contemporain laisse parfois, souvent même, perplexe, ici on se plaît à décrypter le message que l’artiste souhaite délivrer. In fine, la puissance de ces œuvres exulte au contact du spectateur.

Coups de cœur de cette exposition collective, les œuvres de Nasr-Eddine (Nacer) Bennacer sont esthétiquement très simples et pures mais ne sont pas toutefois dépourvues de sens. En effet, au-delà de cette apparente sobriété, elles véhiculent un message percutant exprimé parfois textuellement comme dans cette œuvre figurant une carte de « l’Afrique Française – Algérie » sur laquelle est apposé « Erreur 404 » dans un orange vif qui attire l’œil du spectateur. L’artiste, né en Algérie et vivant désormais à Paris, interroge sur cette sombre période de l’Histoire de France, période de colonisation de l’Algérie, devenue ensuite un département français, avant son indépendance en 1962, tout en mêlant un langage « 2.0 » accessible essentiellement à un jeune public. « Erreur 404 », signifiant « page introuvable » dans le jargon informatique, puisqu’aujourd’hui cette « Algérie française » n’est plus. En allant plus loin, il serait également possible d’approfondir cette interprétation puisque si la page, elle, n’existe plus, le lien, lui, au sens propre comme au sens figuré, est toujours présent… L’artiste réussit ici à synthétiser un conflit complexe qui hante aujourd’hui encore.

Nasr-Eddine Bennacer @Galerie Mamia Bretesché / Crédits : Agathe Mathaut

Nasr-Eddine Bennacer exprime son art au travers de supports multiples. Ainsi la Galerie expose également une installation tridimensionnelle de l’artiste représentant une rame de bateau terminée par un balai caractéristique des balais d’éboueurs. Une fois de plus, l’idée exprimée par l’artiste est évidente et puissante : de l’espoir à la désillusion. Fuir son pays et ses conflits, empli de rêves et d’espoirs, saisir le manche d’une rame pour gagner la France par la mer et finalement à l’arrivée, attraper un autre manche, mais celui d’un balai d’éboueur cette fois-ci.

Nasr-Eddine Bennacer @Galerie Mamia Bretesché / Crédits : Agathe Mathaut

L’actualité médiatique et politique est également au cœur de la création de Mounir Gouri, artiste originaire d’Algérie. Ses dessins à la mise en scène rigoureuse jouent avec les vides. Son trait est caractéristique, gracile, il évoque un fil barbelé. A l’instar de Nasr-Eddine Bennacer, Mounir Gouri a également choisi d’utiliser l’orange vif pour ponctuer ses dessins et attirer l’œil du spectateur.

Mounir Gouri @Galerie Mamia Bretesché / Crédits : Agathe Mathaut

Sofia Hihat, née en Algérie également, a choisi pour sa part une autre réalité sociale et entamé un processus de création autour du questionnement identitaire et communautaire mais d’un point de vue essentiellement intime. Sa palette est assez restreinte : blanc, gris, noir et la quasi-transparence d’un argenté effet miroir. Elle reproduit par exemple une galerie de portraits, encadrés par de jolis cadres dorés, parsemés sur un mur, mais dont les protagonistes sont souvent sans visage, évoquant ainsi les souvenirs et la persistance de la mémoire. Elle aussi joue avec les vides, les blancs et la pesanteur du silence dans une autre œuvre où, au cœur de l’œuvre, au loin, un duo de femmes se détourne l’une de l’autre quand leur reflet à leurs pieds les rapproche.

Sofia Hihat @Galerie Mamia Bretesché / Crédits : Agathe Mathaut

Fatima Mazmouz s’empare elle aussi de la problématique de l’identité, mais nationale cette fois-ci. Protagoniste de ses œuvres, elle se met en scène dans des performances, enceinte et grimée en « Super Oum » (« Super Maman » en français), personnage fictif créé à partir de comics. Elle apparaît ainsi en catcheuse au ventre proéminent et aux formes ondulantes évoquant la féminité et le rôle procréateur de la femme. Le corps de profil mais le visage tourné fièrement vers nous, elle arbore les drapeaux du Maroc, dont elle est originaire, et de l’Algérie. Elle joue ici sur la polysémie du mot « mère », la femme enceinte ou la mère patrie. Elle a d’ailleurs décliné cette composition dans d’autres œuvres, et notamment Les mères patries, présentée parallèlement lors d’une vente aux enchères, en collaboration avec la Galerie Mamia Bretesché, consacrée à l’Art africain contemporain et organisée par la maison Piasa (4).

Fatima Mazmouz @Galerie Mamia Bretesché / Crédits : Agathe Mathaut

Vente aux enchères Art africain contemporain / Crédits : PIASA

Au regard de cette exposition qui s’est achevée le mois dernier, les futures expositions de la Galerie Mamia Bretesché s’annoncent tout aussi prometteuses et nous vous encourageons vivement à les découvrir. Nous remercions vivement Mamia Bretesché pour sa générosité et pour avoir permis la réalisation de cet article.

 

(1) Galerie Mamia Bretesché, 77 rue Notre-Dame de Nazareth 75003 Paris

(2) Du 10 au 24 novembre 2016

(3) Nasr-Eddine (ou Nacer) Bennacer, Dalila Dalléas Bouzar, Sofia Hihat, Fatima Mazmouz, Sadek Rahim, Tajiouti Abdelkrim, Mounir Gouri et Mohamed Rachdi.

(4) PIASA, 118 rue du Faubourg Saint-Honoré 75008 Paris, vente « Art africain contemporain », jeudi 17 novembre 2016 à 16h.

Informations pratiques :

Découvrir la Galerie Mamia Bretesché

Communiqué et biographies des artistes


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